Navigation principale

91. Gérants non salariés intérimaires
Accueil du site > Actualités > Chroniques > Gérants non salariés intérimaires

Gérants non salariés intérimaires

CODE DU TRAVAIL Le statut des gérants non salariés auquel recours la société CASINO pour son réseau de superettes a été créé par un décret-loi du 3 juillet 1944 signé par Pierre LAVAL resté en vigueur, actuellement codifié aux articles L 7322-1 et suivants du code du travail.

Les gérants sont rémunérés à la commission avec un minimum mensuel garanti par des accords collectifs, et doivent être libres de leur gestion, caractéristique essentielle de leur statut.

Si la société impose les conditions de travail ou les soumet à son accord, elle est tenue de rémunérer les heures supplémentaires (L 7322-1 CT).

À l’extrême, si elle soumet les gérants à un lien de subordination en leur donnant des ordres, le contrat doit être requalifié en salariat, avec rappels de salaires et repos compensateurs correspondants.

Des gérants ont été embauchés en tant que « titulaires » (sur un magasin permanent), puis ils ont rapidement signé un contrat de gérance dit « intérimaire ». Les gérants « intérimaires » constituent une catégorie interne à la société CASINO, c’est une déclinaison organisationnelle du statut légal qui est propre à cette société dont la fonction est de procéder aux remplacements des différents gérants titulaires du réseau (maladie, congés ...), pour éviter de perdre du chiffre d’affaires durant les différentes vacances. Les gérants intérimaires n’ont pas de magasin fixes et sont affectés par la société aux divers remplacements, ils doivent maintenir les horaires et jours d’ouverture en vigueur dans les divers magasins sur de courtes périodes, ne peuvent pas choisir véritablement les commerces ni en modifier les conditions de gestion.

Leur liberté est donc extrêmement réduite.

Des gérants intérimaires ont engagé une procédure, estimant avoir été soumis à un véritable lien de subordination caractérisant un détournement du statut légal, et ont demandé en conséquence une requalification en salariat avec des rappels de salaires correspondants.

La chambre sociale de la COUR D’APPEL de CAEN dans un arrêt du 19 septembre 2019 vient de reconnaître ce détournement du statut légal en requalifiant, sur renvoi après cassation, la relation en contrat de travail salarié, en accordant aux gérants des rappels de salaires très importants.

La motivation très explicite de la Cour mérite d’être citée :

« Sans suivre les parties dans le surplus de leur argumentation, la cour considère que la manière par la société Casino de faire respecter les horaires d’ouverture des succursales confiées aux co-gérants intérimaires s’apparentent à l’usage d’un pouvoir disciplinaire qui excèdent les limites des contraintes commerciales inhérentes à ce type de distribution, d’autant plus qu’il faut souligner que les co-gérants intérimaires ne disposent pas de logement gratuit sur place et doivent assurer leur hébergement. »

Il faut se féliciter de cette décision qui sanctionne les détournements du statut et reconnaît l’existence d’un salariat déguisé, en rétablissant les gérants dans leurs droits.

Jean-Christophe BONFILS

AVOCAT Dijon

À lire dans cette thématique : Droit Social

Documents joints :