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10. Le Parquet n'est pas une autorité judicaire
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Le Parquet n’est pas une autorité judicaire

L’article 5-3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme dispose en substance à son article 5-3 que lorsqu’une personne est arrêtée parce qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction (hypothèse de la garde à vue), elle doit être « aussitôt » déférée devant une « autorité judicaire ».

Diverses décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ont jugé, notamment contre la France à l’égard du Parquet, qu’à défaut d’indépendance d’un Magistrat, celui-ci ne pouvait se voir reconnaître le statut « d’autorité judicaire » au sens de la Convention (Arrêt MEDVEDYEV/France 29 mars 2010).
Le problème qui se pose en France avec le Parquet (le Procureur de la République et ses substituts) est que le Ministère Public, à l’inverse des Magistrats du siège qui sont pleinement indépendants, est pour sa part soumis à une hiérarchie stricte placée sous l’autorité du Garde des Sceaux Ministre de la Justice.

Ils doivent obéissance et peuvent faire l’objet de sanction.

Rappelons que diverses affaires « publiques » ont fait l’objet de classement sans suite du parquet, et n’ont pu connaître de suites judicaires que par les plaintes avec constitution de parties civiles des victimes ayant déclenchées seules la saisine d’un Juge d’instruction (récemment affaire de la pollution à la dioxine d’Albertville, ou le sang contaminé notamment).

En ce qui concerne la Garde à vue, la difficulté est que celle-ci se déroule sous l’unique contrôle du Parquet, qui n’est donc pas indépendant.

Ceci était-il compatible avec les exigences de la Convention européennes des Droits de l’Homme ?

La Cour de Cassation qui n’avait pas encore tranché au plan interne cette question délicate vient de répondre par la négative au terme d’un arrêt lapidaire rendu le 15 décembre 2010 ; la Cour de Cassation a censuré la chambre de l’instruction qui avait jugé que le Ministère Public était une autorité judiciaire.

La Haute juridiction constate que le Parquet n’est pas indépendant, et ajoute qu’en qualité de partie poursuivante, le Ministère Public n’est donc pas neutre.

En revanche, les effets de cette décision sont décevants puisque la Cour de Cassation n’annule pas la procédure, au motif que l’intéressé a été libéré après 25 heures de garde à vue et sera jugé, ce qui satisfait à l’exigence Conventionnelle de brièveté de la détention.

A considérer légitime cette appréciation, quelle sera la solution pour les hypothèses de garde à vue de 96 heures (stupéfiants, bande organisée…) ?

A notre avis, l’annulation s’imposera sur la base même de cet arrêt rendu par la Cour de Cassation.

La garde à vue française craque désormais de toute part, une réforme de fond s’impose car les Juridictions internes ne pourront éternellement sauvegarder cet édifice qui menace ruine, tant les violations de la Conventions Européenne des Droits de l’Homme y sont nombreuses et évidentes.

JEAN-CHRISTOPHE BONFILS

AVOCAT - Dijon Chalon Besançon

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