Notre cabinet est saisi par un conducteur qui se voit notifier l’invalidité de son permis de conduire au terme d’une lettre « 48 SI », qu’il souhaite contester.
(La lettre 48SI est un courrier recommandé envoyé par le Ministère de l’Intérieur. Cette lettre a pour objectif de notifier aux conducteurs l’invalidation du permis de conduire pour solde de points nul suite à la perte totale des points de permis.)
I. EN FAIT
Cette personne considère anormal le retrait de 6 points opéré en 2022 pour une infraction commise en 2015 ayant donné lieu à condamnation pénale, alors qu’elle était titulaire à l’époque d’un permis étranger échangé par la suite contre un permis français, sur lequel le retrait litigieux a été opéré.
II. EN DROIT
Le délai de prescription s’applique à la poursuite pénale d’une infraction : il est d’une année en matière contraventionnelle, et de 6 années pour les délits. Passé ce délai, l’infraction ne peut plus être poursuivi, on parle de droit à l’oubli.
Après l’établissement de l’infraction par paiement de l’amende, condamnation ou ordonnance pénale définitive, l’administration procède ensuite au retrait de points, parfois plusieurs années après.
Se voir retirer des points sur son permis plusieurs années après peut évidemment choquer les conducteurs. Nombre d’entre eux partent du principe qu’il ne sera plus possible de retirer les points après un certain temps.
Or, après réception de la lettre « 48 SI », il est trop tard pour suivre un stage de récupération de points.
Si la lettre « 48 SI » peut être contestée devant le Tribunal Administratif dans un délai de 2 mois, et qu’un recours parallèle en référé suspension peut permettre d’obtenir une décision rapide, il faut démontrer qu’au moins un retrait de points est manifestement illégal.
S’agissant d’un retrait de points effectué 7 années après les faits, se pose la question d’un délai de prescription éventuellement applicable. Mais ce n’est malheureusement pas le cas.
En effet, il a été jugé que la mesure de retrait de points n’est pas une peine, mais une simple mesure de police administrative qui n’est soumise à aucun délai de prescription (Crim., 6 juill. 1993, n° 92-86.855).
La Cour européenne des droits de l’homme considère, au contraire, depuis un arrêt CEDH, MALIGE c. FRANCE, du 23 septembre 1998, n°27812/95, que la mesure de retrait de points est bien une peine, dont il se déduit qu’elle devrait être soumise à un délai de prescription.
En revanche la jurisprudence de la cour de cassation n’a, sur cette question, jamais évolué depuis l’instauration du permis à points en 1992.
La mesure de retrait de points échappe donc, en l’état du droit, à tout délai de prescription, et peut être opérée par l’administration sans limitation de temps.
Par ailleurs, le permis concerné par l’infraction de 2015 était un permis étranger, a priori non sujet à retrait de points. Toutefois, du fait de l’installation durable en France de son titulaire, il faisait l’objet d’une obligation d’échange dans le délai d’un an de la fixation de sa résidence (R 222-3 du code de la route).
Or, lorsque le titulaire d’un permis étranger a commis une infraction en France, alors que son permis fait l’objet d’une obligation d’échange, il peut après avoir réalisé cette formalité obligatoire se voir retirer les points sur son « nouveau » permis français (R 222-2 du code de la route).
La situation est donc hautement complexe puisque 7 ans après les faits, l’intéressé fait l’objet d’un retrait de 6 points sur un permis français qu’il n’avait pas au moment des faits, ce qu’il n’avait évidemment pas pu prévoir. Ce sont des infractions additionnelles qui lui ont fait perdre les 6 autres points, mais il pensait disposer encore d’un solde positif.
Ce qui est hautement critiquable de notre point de vue d’un point de vue de prévisibilité, et de lisibilité de la sanction – même administrative – mais il s’agit de l’état des règles en vigueur.
III. EN CONCLUSIONS
Les retraits de points ne sont pas soumis à un quelconque délai, et peuvent arriver à tout moment.
- Il convient de surveiller régulièrement son solde, et d’effectuer un stage de récupération dès que 4 points sont perdus. Avec un solde de 6 points, le danger d’une invalidation devient grand et il y urgence, compte tenu du nombre d’infraction sanctionnées par un retrait de points équivalent.
- Pour les 6 autres points perdus par ce conducteur, lesquels n’avaient pas retenus son attention, il semble en revanche possible de faire quelque chose puisqu’ils ont été retirés pour diverses « petites » infractions, sans paiement spontané de l’amende, et sans condamnation pénale.
Si la personne peut prouver par écrit son innocence pour l’une de ces infractions, ou si un tiers reconnait l’avoir commis lui-même, un recours peut s’envisager avec des chances raisonnables de succès puisque les points ont été retirés après majoration de l’amende, prélevée d’autorité par les FINANCES PUBLIQUES (ce qui n’emporte pas reconnaissance), de sorte qu’une réclamation resterait possible, laquelle suspendrait mécaniquement le retrait de points, et invaliderait la lettre 48 SI.
Notre cabinet intervient habituellement dans les ressorts de DIJON, BESANÇON, CHALON-SUR-SAÔNE, LONS-LE-SAUNIER, CHAUMONT, mais également sur tout le territoire national.
Jean-Christophe BONFILS
Avocat
Voyez notre rubrique PERMIS DE CONDUIRE, DROIT ROUTIER,