Article écrit pari-com
15/04/2020
le grand saccage

le grand saccage

En raison de la pandémie de la maladie dite “covid-19”, par décret N° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, le gouvernement a interdit, par principe, « le déplacement de toute personne hors de son domicile », en prévoyant des exceptions devant être justifiées par une attestation de déplacement dérogatoire, initialement jusqu’au 31 mars 2020.
Une répression importante sur des fondements aléatoires, tels que l’analyse des paniers de courses par la police au regard du critère de « première nécessité », s’est mise en place, allant jusqu’à verbaliser une dame venant faire signe à son époux derrière la vitre d’un EHPAD.

Le Parlement a adopté ensuite la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie.

Il a inséré dans le code de la santé publique des dispositions créant un “état d’urgence sanitaire”, aussitôt déclaré pour une durée de deux mois, jusqu’au 24 mai 2020.

Le “confinement” a été finalement prolongé jusqu’au 11 mai 2020, soit presque deux mois d’enfermement et de mise à l’arrêt de l’économie.
La loi du 23 mars 2020 a, d’autre part, habilité le Gouvernement à prendre, par ordonnances, certaines mesures relevant de la loi.

Par ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale, le Gouvernement a prévu que les délais maximums de détention provisoire étaient augmentés :

–  de deux mois lorsque la peine encourue est inférieure ou égale à cinq ans ;
–  de trois mois lorsque la peine encourue est de sept ou dix ans d’emprisonnement ;
–  de six mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour les affaires devant la cour d’appel. 


La circulaire du 26 mars 2020 énonce que « ces prolongations s’appliquent de plein droit, donc sans qu’il soit nécessaire de prendre une décision …. Elles continueront par ailleurs de s’appliquer après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire »
Pour la matière civile, le Gouvernement a pris une ordonnance du 25 mars 2020 permettant également :

– De rejeter une demande en référé « par ordonnance non contradictoire, si la demande est irrecevable ou s’il n’y a pas lieu à référé ».
– Les mesures d’assistance éducative sont prises par « décisions motivées et sans audition des parties ».

C’est à dire la possibilité de rendre des décisions, non pas après avoir reçu les observations écrites des parties, ce qui aurait suffit, mais sans aucun échange d’aucune sorte.

Ces choix conduisent à un affaiblissement massif de l’État de droit.
Ils ont mis fin à une idée prégnante dans les démocraties occidentales après la seconde guerre mondiale, selon laquelle les libertés fondamentales ne pourraient plus être bafouées.

Ce choix de l’arbitraire et de l’autoritaire a pallié l’imprévoyance et l’inconséquence, mais ne s’imposait pas pour vaincre la pandémie en matière de justice, d’autres procédés plus respectueux des droits fondamentaux pouvaient parfaitement atteindre les mêmes objectifs de distanciation des personnes.

Dès le début du mois de mars, la Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations-Unies, Madame Michelle Bachelet, avait rappelé que le sacrifice de nos droits et libertés ne nous aiderait pas à résoudre la crise sanitaire. 

S’agissant du fonctionnement de la Justice, alors que l’institution bénéficie d’une messagerie électronique sécurisée avec les Avocats et d’un système national de Visio conférence qui devait permettre de rendre des décisions à distance, sous réserve de transformer momentanément les procédures orales en procédure écrite, ce qui n’était pas très compliqué, la chancellerie a préféré tout arrêter en bafouant les droits fondamentaux.

Sur un plan technique, alors que la Justice était particulièrement bien équipée pour le télé travail, ce choix d’un arrêt brutal ne manque pas d’étonner.

Ce qui est très grave, ce sont les atteintes considérables à des libertés fondamentales, sans même susciter de protestations immédiates tant le traitement public et médiatique de l’épidémie a tendu, après l’avoir minimisé, à effrayer la population par un virage à 180 °.

Les principes si essentiels de dignité humaine, et de droit à la vie, ont été honteusement bafoués dans les EHPAD ; les personnes improductives ont été manifestement sacrifiées.
Des comités d’éthiques ont été créés et chargés dans les hôpitaux de dire si telle personne âgée pouvait bénéficier d’un respirateur artificiel, ou non.

Les délais de détention provisoire ont été augmentés scandaleusement, alors que cette catégorie de détenus concerne ceux qui sont présumés innocents, et qu’un juge pouvait parfaitement statuer à distance, il suffisait de rendre la procédure écrite le temps de l’urgence sanitaire. Ce qui aurait été toujours mieux que de supprimer l’audience.

Que tout un chacun se résigne à géo localiser les gens pour surveiller leurs moindres faits et gestes, avertir la population qu’un pestiféré les approche, est étonnant et rappelle que le vernis de la civilisation reste très fragile.

Comme si des services de renseignements ne pouvaient pas avoir accès à toutes les informations, comme s’ils ne pouvaient pas en faire un usage détourné, comme si la fuite des données secrètes n’existait pas, comme si le piratage informatique n’était pas possible …

Et surtout, il faudrait abandonner nos libertés les plus précieuses à un État qui n’est même pas en mesure de fournir à sa population les éléments nécessaires au traitement véritablement sanitaire de l’épidémie, des tests, des masques, des soins.

Plus que jamais, la dérive autoritaire des institutions doit interpeler les consciences, car ce qui a été fait une fois, risque de se répéter.

Cela n’est pas acceptable car il était assez simple, en matière de Justice, de faire beaucoup mieux.

Jean-Christophe BONFILS

AVOCAT – Dijon

À voir aussi, les matières :

DROIT PÉNAL,

NULLITÉS DE PROCÉDURE,

DROIT DES DÉTENUS,

DROIT DE LA FAMILLE,

DROIT DES VICTIMES

Illustration sur cette page : Justice Vecteurs par Vecteezy et CDC/ Alissa Eckert, MS; Dan Higgins, MAMS

F.A.Q

Quel est le juge compétent au regard de la matière ?

Le juge compétent en fonction de la matière dépend de la nature de l’affaire :

Pour les litiges civils de la vie courante, c’est le tribunal judiciaire civil qui est compétent : en procédure orale jusqu’à 10 000 €, et en procédure écrite au-dessus de 10 000 €.

Pour les saisies et l’exécution des décisions de justice, c’est le juge de l’exécution.

Pour les litiges du travail, ce sont les conseils des prud’hommes.

En matière de conflits familiaux et de séparation, c’est le juge aux affaires familiales.

Pour protéger les mineurs en danger, c’est le juge des enfants.

Pour juger les mineurs poursuivis pénalement, c’est le tribunal pour enfants.

Pour juger les majeurs poursuivis pénalement, c’est le tribunal correctionnel.

Entre commerçants, c’est le tribunal de commerce.

Pour les plaintes en matière pénale, c’est le Procureur de la République, ou s’il n’a pas donné suite à cette plainte, le Juge d’instruction près le tribunal judiciaire.

Toutes ces juridictions sont regroupées au sein du tribunal judiciaire de chaque ressort géographique.

Quel est le juge compétent en fonction du lieu ?

La compétence géographique de base, c’est le tribunal qui correspond au domicile du (ou d’un) défendeur.

En matière contractuelle, on peut choisir par exception le tribunal du lieu d’exécution du contrat.

En matière délictuelle (faute civile comme un accident), on peut choisir le tribunal du lieu des faits.

En matière de succession, c’est toujours le dernier domicile du défunt.

Comment exécuter une décision de justice

Vous devez transmettre l’original d’une décision de justice exécutoire à un commissaire de justice ; le principe est dorénavant l’exécution provisoire systématique, même en cas d’appel.

Le commissaire de Justice est un professionnel chargé d’exécuter les décisions de justice, il dispose de différentes voies d’exécution, comme la saisie bancaire ou immobilière.

L'assistance par un Avocat est-elle obligatoire ?

Elle ne l’est pas dans toutes les procédures, même si l’obligation de représentation par un Avocat a été considérablement étendue.

La représentation par un Avocat est obligatoire par principe devant le tribunal judiciaire, même en référé, sauf dans certaines matières précises en dessous de 10 000 € comme le contentieux électoral.

La représentation par avocat est obligatoire devant le juge de l’exécution au-dessus de 10 000 €.

Au tribunal de commerce, y compris en référé, la représentation par avocat est aussi obligatoire au-dessus de 10 000 €.

La représentation par avocat n’est pas obligatoire devant le Juge Aux Affaires Familiales SAUF en matière de divorce, séparation de corps, et liquidations patrimoniales.

Au conseil des prud’hommes, l’Avocat n’est pas obligatoire en 1ère instance, mais en appel oui.

En matière pénale, l’assistance par un Avocat n’est pas obligatoire SAUF pour la CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), devant une Cour d’Assises, et pour les mineurs.

Quelle responsabilité en cas d'accident de la circulation ?

Le conducteur responsable ne peut pas opposer la force majeure ou le fait d’un tiers à la victime pour la priver d’indemnisation. La seule cause d’exonération pour le conducteur est la faute de la victime, selon qu’elle a la qualité de conducteur, ou non.

La victime non conductrice peut se voir opposer sa propre faute uniquement dans deux hypothèses :

1. Elle a volontairement recherché le dommage (la victime a tenté de se suicider).

2. Lorsque la faute de la victime est inexcusable et cause exclusive de l’accident.

Dans ce cas, le conducteur est totalement exonéré, et ne doit aucune indemnisation SAUF exception : la faute inexcusable n’est pas opposable aux victimes non conductrices de moins de 16 ans, et de plus de 70 ans ou ayant un taux d’invalidité d’au moins 80%.

Lorsque la victime à la qualité de conducteur, l’exonération de l’autre conducteur impliqué pourra être partielle ou totale en fonction du degré d’implication de la faute de la victime dans la réalisation de son préjudice.

S’agissant de l’indemnisation des dommages matériels, toutes les victimes peuvent se voir opposer leur faute par le conducteur dont le véhicule est impliqué, pour limiter ou exclure l’indemnisation.

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