L’article 62-2 du Code de Procédure Pénale dispose que peut être placée en garde à vue la personne contre de laquelle il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ».
Le placement en garde à vue est donc bien encadré : la personne est retenue car elle est soupçonnée en fonction d’éléments objectifs d’avoir commis une infraction punie d’une peine d’emprisonnement.
La garde à vue ne peut absolument pas avoir pour objet de prévenir la commission d’une infraction dans notre droit, le terme « préventive » est improprement utilisé.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme veille à ce que ce principe soit respecté :
Dans un arrêt CEDH, 5e sect., 7 mars 2013, Ostendorf c. Allemagne, n° 15598/08, la Cour avait été saisie par un hooligan fiché qui avait été placé en garde à vue alors qu’il s’apprêtait à assister à une rencontre de football en Allemagne. Il avait été placé en garde à vue pendant quatre heures, au motif qu’il était supposé prêt à faire usage de violence, puis relâché.
La CEDH a jugé qu’un placement préventif en garde à vue n’est pas compatible avec le droit à la sûreté, et admet une telle mesure uniquement en cas de méconnaissance d’une obligation imposée par la police ou la justice, c’est à dire la constatation d’une infraction ou d’un manquement.
Les garde à vue qualifiées improprement de « préventives » dans le cadre du mouvement des gilets jaunes, se fondent en réalité sur l’article L 222-14-2 du code pénal ainsi libellé :
« Le fait pour une personne de participer sciemment à un groupement, même formé de façon temporaire, en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de violences volontaires contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »
La politique pénale appliquée au mouvement des gilets jaunes a été de considérer dans le cadre des fouilles préalables qu’une personne en possession d’un gilet jaune en vue d’aller manifester, et d’objets qualifiés d’armes par destination, était coupable de cette infraction.
Ce qui ne manque pas de soulever d’importantes difficultés, car cela dépend de la nature des objets retrouvés, mais également où :
Si une personne entend se rendre à la manifestation munie d’une matraque, d’un lance pierre et de boulons ou tout autre objets comparables, de surcroit casqué avec masque à gaz et lunettes de plongée, en effet cette infraction serait a priori établie.
En revanche, un simple masque de peinture accompagné d’un masque de ski dans un but de protection personnelle ne semble pas pouvoir être considéré en soi comme des armes par destination suffisant à caractériser l’infraction. Les journalistes en sont souvent porteurs.
De la même façon, si le fait d’être porteur de boules de pétanques sur une manifestation caractérise ce délit, en revanche qu’en est-il du joueur habituel de pétanque qui possède un jeu de boules dans le coffre de son véhicule, et soutient qu’il ne les auraient pas prises pour manifester ?
On le voit, caractériser cette infraction est difficile en terme de preuve, car il n’est juridiquement pas possible de présumer l’intention coupable. Celle-ci doit se caractériser par un commencement d’exécution suffisamment net.
De fait, les Tribunaux de première instance ont prononcé massivement des relaxes sur de telles poursuites à DIJON, dont le Parquet général a relevé appel.
JEAN-CHRISTOPHE BONFILS
Voir aussi notre rubrique consacrée à la Défense pénale