Le statut des gérants non salariés auquel recours la société CASINO pour son réseau de superettes PETIT CASINO, LEADER PRICE EXPRESSE, VIVAL… a été créé par un décret-loi du 3 juillet 1944 signé par Pierre LAVAL curieusement toujours en vigueur, qui avait modifié une loi de VICHY du 21 mars 1941 sur les gérants de succursales de maisons d’alimentation de détail.
La Loi de 1941 avait exclu par principe ces gérants du bénéfice des règles sociales, le Décret-Loi du 3 juillet 1944 de Pierre LAVAL leur a rétabli tous les avantages reconnus aux salariés, à la demande de la résistance.
Le Décret-Loi du 3 juillet 1944 a été intégré au code du travail pour la Loi n°73-4 du 2 janvier 1977, dont l’article L 782-7 ancien du code du travail indiquait, reprenant la formulation de l’article 4 du Décret-Loi d’origine :
« Les gérants bénéficient de tous les avantages reconnus aux salariés par la législation sociale ».
Il s’agit donc d’une extension de principe des avantages du salariat aux gérants, sauf les exceptions expressément prévues par le statut puisqu’ils restent non salariés.
Il existe deux dérogations statutaires, constituant les avantages majeurs de ce statut pour l’employeur :
1/ La responsabilité personnelle des gérants pour les manquants de marchandises placées en dépôt, à la différence des salariés qui ne sont jamais personnellement responsables : le gérant doit payer sur ses propres deniers le moindre manquant dans son stock au prix de vente TTC, il doit donc rembourser à la société les vols à l’étalage !
2/ Ils ne bénéficient pas de la majoration légale des heures supplémentaires, étant libres de leur gestion : ils sont donc très peu rémunérés pour des horaires de travail de l’ordre de 60 à 70 heures/semaine en moyenne, et des rémunérations très généralement inférieures à 1000 €/mois et par personne.
Un gérant a saisi notre cabinet car la société exigeait qu’il paye un déficit d’inventaire après l’avoir licencié, or il ne comprenait pas d’où pouvait venir ce manquant prétendu.
Nous avons contesté la régularité des comptes et fait valoir que la société a imposé à tous ses gérants en 2005/2006 le logiciel de gestion GOLD utilisé par la grande distribution, lequel est très complexe, sans leur fournir la moindre formation pour leur apprendre à l’utiliser, ni aucune assistance, hormis un stage d’initiation de 15 jours dans une superette en doublon avec d’autres gérants, avant de rentrer dans la société, mais qui est totalement insuffisant.
Les gérants ne bénéficient d’aucune formation professionnelle alors qu’on leur impose des outils de gestion complexes.
La société se contente de leur adresser un manuel GOLD très volumineux qui détaille chaque opération comptable sur plusieurs pages, mais celui-ci reste fastidieux et très difficile à comprendre en pratique.
Le Tribunal reconnaît la complexité du logiciel GOLD et l’absence de formation ni d’assistance fournie par DISTRIBUTION CASINO au gérant pour lui permettre de l’utiliser.
La juridiction en conclut que la société n’a pas fourni pas au gérant les moyens nécessaires de sa gestion, ne l’a pas formé et ne lui a pas apporté d’assistance.
Le Tribunal déboute par conséquent intégralement la société de sa demande en paiement, la condamnant à payer au gérant une somme de 2000 € au titre des frais de Justice.
Il faut se féliciter de cette décision qui rétablit un minimum d’équité.
JEAN-CHRISTOPHE BONFILS
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