L’article 1195 du Code civil français, introduit par la réforme du droit des contrats de 2016, permet la renégociation ou l’adaptation du contrat en cas d’imprévision, c’est-à-dire lorsqu’un changement de circonstances imprévisible rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie.
Ce mécanisme transposé du droit communautaire n’est pas réservé aux contrats à exécution successive, mais s’applique à tout contrat dont l’exécution est différée, ou étalée dans le temps.
L’article 1195 du Code civil dispose que :
« Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »
Les conditions d’application de l’article 1195 sont les suivantes :
1. Un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat
Cass. com., 20 sept. 2023, n° 21-18.606 (hausse imprévisible du coût des matières premières).
2. Un changement rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie
La charge économique doit dépasser les risques normalement acceptés pour ce type de contrat.
3. Le contrat ne doit pas contenir de clause par laquelle la partie s’engageait à supporter toute forme d’aléas, ou exclusive de l’imprévision.
4. Le requérant doit avoir tenté une renégociation.
En cas d’échec, le juge peut être saisi pour réviser le contrat en modifiant les conditions financières, ou y mettre fin, en ordonnant la réparation des préjudices subis s’il y lieu.
Cela suppose un changement imprévisible de circonstances rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie.
Pour savoir s’il est possible d’appliquer la théorie de l’imprévision, il convient également d’analyser les clauses du contrat, car ce texte n’est pas d’ordre public.
Il est en effet possible d’exclure contractuellement l’imprévision, ou accepter toute forme d’aléas.
Si ce n’est pas le cas, en cas de changement imprévisible de circonstances entre la souscription et l’exécution rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie, après avoir tenté sans succès une renégociation, le juge pourra réviser le contrat ou y mettre fin.
Un mécanisme juridique très utile pour corriger un déséquilibre significatif, notamment dans le cadre de la hausse du coût des matières premières en lien avec le conflit en Ukraine, lorsqu’il existe une différence importante entre la signature du contrat et son exécution.
Jean-Christophe BONFILS
AVOCAT
