Article écrit pari-com
20/10/2010

Par un arrêt du 14 octobre 2010, la cour européenne des droits de l’homme vient de juger pour la première fois que la procédure française de garde à vue était illégale comme violant le droit de bénéficier d’une procédure équitable (CEDH Brusco contre France, requête numéro 1466/07,14 octobre 2010).

La cour reproche à la loi française de ne pas informer le mis en cause du droit de garder le silence, et de ne pas lui permettre l’accès immédiat à un Avocat.

Cette condamnation de la France est la première en ce qui concerne notre procédure actuelle de garde à vue, et confirme la décision du conseil constitutionnel du 31 juillet 2010 que notre cabinet avait commenté (Décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, www.conseil-constitutionnel.fr/).

La Cour de Cassation avait à se prononcer sur cette même question cinq jours après, le 19 octobre 2010.

Dès lors que la contrariété avec la Convention européenne des droits de l’homme est désormais reconnue, c’est sans surprise que la haute juridiction a jugé par 3 arrêts du 19 octobre 2010 rendu en formation plénière que la loi française organisant la garde à vue ne satisfait pas aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les motifs sont plus intéressants, de même que les objectifs qui sont assignés implicitement à la réforme en cours.

La Cour de Cassation précise que la personne gardée à vue doit bénéficier dès le début de la mesure de l’assistance d’un avocat dans des conditions lui permettant d’organiser sa défense et de préparer avec lui ses interrogatoires, auxquels l’avocat doit pouvoir participer.

Jusqu’à présent, les spécialistes n’étaient pas unanimes pour déterminer si l’avocat, auquel le mis en cause doit pouvoir accéder dès le début de la garde à vue, devait également pouvoir assister aux interrogatoires, ou pas.

La Cour de Cassation a tranché cette incertitude par l’affirmative.

La jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme n’avait pourtant jamais expressément jugé que l’avocat doive obligatoirement pouvoir être présent durant les interrogatoires de la garde à vue, mais un arrêt avait attiré l’attention en ce qu’il mentionnait que cette faculté n’était pas offerte par la loi turque, ce qui contribuait à caractériser une violation de l’article 6 (ARRÊT CEDH 16 juin 2009, Karabil c. Turquie, « …n’a pas bénéficié de l’assistance d’un conseil lors de sa garde à vue – donc pendant ses interrogatoires …Dans ces conditions, force est de conclure à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention…).

La Cour de Cassation indique également que la personne gardée à vue doit être informée de son droit de garder le silence, mais ce n’est pas nouveau.

Enfin, la Cour de Cassation affirme que la restriction, pour une personne gardée à vue d’être assistée dès le début de la mesure par un avocat, ne peut se concevoir que si cela répond à une raison impérieuse qui ne peut découler de la seule nature de l’infraction.

Concernant la réforme de la garde à vue qui est envisagée, l’essentiel du problème tourne autour de cette question.

En effet, une certaine logique voudrait exclure la faculté d’être conseillé par un avocat dès le début de la garde à vue dans une série d’hypothèses largement conçues.

Jusqu’à présent, il avait toujours été envisagé de prévoir ces hypothèses d’exclusion en fonction de la qualification de l’infraction, ou du choix des autorités de poursuites non encadrés par de véritables critères contrôlabes.

La Cour de Cassation apporte la précision importante que ces exclusions ne peuvent découler uniquement de la seule qualification de l’infraction, mais que des raisons impérieuses liées aux données factuelles du dossier doivent pouvoir être caractérisées, afin de satisfaire aux exigences de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ces raisons impérieuses devront donc être justifiées, puisqu’elles ne peuvent plus découler automatiquement de l’infraction, faute de quoi on pourrait conclure à une nullité de procédure.

Le fait de refuser l’accès immédiat à un gardé à vue pourrait donc se transformer en « planche savonneuse » pour les autorités de poursuite, et en nullité possible pour la défense si les motifs invoqués ne sont pas concrètement sérieux.

C’est sur ce point précis que l’apport des 3 arrêts rendus par la formation plénière de la Cour de Cassation est déterminant.

La réforme en cours devra en tenir compte, faute de quoi les annulations de procédure seront à prévoir.

Par ailleurs, s’alignant en cela sur la décision du conseil constitutionnel du 31 juillet 2010, la Cour de Cassation fixe l’entrée en vigueur de l’annulation des gardes à vue fondées sur la loi actuelle au 1er juillet 2011, afin de permettre au gouvernement de prendre les mesures d’adaptations nécessaires.

Cela faisait longtemps que les Avocats soutenaient la contrariété à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme de la procédure de garde à vue française.

Très peu de juridictions du fond ont fait droit à ces arguments, pourtant fondés, jusqu’à ce que le conseil constitutionnel ne rende sa décision novatrice le 31 juillet dernier.

Saluons l’apport important de la cour de cassation concernant les restrictions qui sont envisageables, et espérons que la réforme en tiendra compte sans laisser aux autorités de poursuite la faculté discrétionnaire de différer l’intervention de l’avocat.

Il convient de rappeler à cet égard que nombre d’affaires dans lesquelles l’innocence du mis en cause fut finalement démontrée, et qui se sont soldées par des arrêts d’acquittement, ont commencé par des aveux obtenus dans des conditions critiquables durant la garde à vue.

Rappelons que l’avocat, par sa présence en garde à vue, sera le meilleur garant de la sincérité des déclarations de l’intéressé, et participera utilement à la lutte contre les erreurs judiciaires.

JEAN-CHRISTOPHE BONFILS

AVOCAT Dijon

Voyez notre rubrique Droit Pénal

F.A.Q

Quel est le juge compétent au regard de la matière ?

Le juge compétent en fonction de la matière dépend de la nature de l’affaire :

Pour les litiges civils de la vie courante, c’est le tribunal judiciaire civil qui est compétent : en procédure orale jusqu’à 10 000 €, et en procédure écrite au-dessus de 10 000 €.

Pour les saisies et l’exécution des décisions de justice, c’est le juge de l’exécution.

Pour les litiges du travail, ce sont les conseils des prud’hommes.

En matière de conflits familiaux et de séparation, c’est le juge aux affaires familiales.

Pour protéger les mineurs en danger, c’est le juge des enfants.

Pour juger les mineurs poursuivis pénalement, c’est le tribunal pour enfants.

Pour juger les majeurs poursuivis pénalement, c’est le tribunal correctionnel.

Entre commerçants, c’est le tribunal de commerce.

Pour les plaintes en matière pénale, c’est le Procureur de la République, ou s’il n’a pas donné suite à cette plainte, le Juge d’instruction près le tribunal judiciaire.

Toutes ces juridictions sont regroupées au sein du tribunal judiciaire de chaque ressort géographique.

Quel est le juge compétent en fonction du lieu ?

La compétence géographique de base, c’est le tribunal qui correspond au domicile du (ou d’un) défendeur.

En matière contractuelle, on peut choisir par exception le tribunal du lieu d’exécution du contrat.

En matière délictuelle (faute civile comme un accident), on peut choisir le tribunal du lieu des faits.

En matière de succession, c’est toujours le dernier domicile du défunt.

Comment exécuter une décision de justice

Vous devez transmettre l’original d’une décision de justice exécutoire à un commissaire de justice ; le principe est dorénavant l’exécution provisoire systématique, même en cas d’appel.

Le commissaire de Justice est un professionnel chargé d’exécuter les décisions de justice, il dispose de différentes voies d’exécution, comme la saisie bancaire ou immobilière.

L'assistance par un Avocat est-elle obligatoire ?

Elle ne l’est pas dans toutes les procédures, même si l’obligation de représentation par un Avocat a été considérablement étendue.

La représentation par un Avocat est obligatoire par principe devant le tribunal judiciaire, même en référé, sauf dans certaines matières précises en dessous de 10 000 € comme le contentieux électoral.

La représentation par avocat est obligatoire devant le juge de l’exécution au-dessus de 10 000 €.

Au tribunal de commerce, y compris en référé, la représentation par avocat est aussi obligatoire au-dessus de 10 000 €.

La représentation par avocat n’est pas obligatoire devant le Juge Aux Affaires Familiales SAUF en matière de divorce, séparation de corps, et liquidations patrimoniales.

Au conseil des prud’hommes, l’Avocat n’est pas obligatoire en 1ère instance, mais en appel oui.

En matière pénale, l’assistance par un Avocat n’est pas obligatoire SAUF pour la CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), devant une Cour d’Assises, et pour les mineurs.

Quelle responsabilité en cas d'accident de la circulation ?

Le conducteur responsable ne peut pas opposer la force majeure ou le fait d’un tiers à la victime pour la priver d’indemnisation. La seule cause d’exonération pour le conducteur est la faute de la victime, selon qu’elle a la qualité de conducteur, ou non.

La victime non conductrice peut se voir opposer sa propre faute uniquement dans deux hypothèses :

1. Elle a volontairement recherché le dommage (la victime a tenté de se suicider).

2. Lorsque la faute de la victime est inexcusable et cause exclusive de l’accident.

Dans ce cas, le conducteur est totalement exonéré, et ne doit aucune indemnisation SAUF exception : la faute inexcusable n’est pas opposable aux victimes non conductrices de moins de 16 ans, et de plus de 70 ans ou ayant un taux d’invalidité d’au moins 80%.

Lorsque la victime à la qualité de conducteur, l’exonération de l’autre conducteur impliqué pourra être partielle ou totale en fonction du degré d’implication de la faute de la victime dans la réalisation de son préjudice.

S’agissant de l’indemnisation des dommages matériels, toutes les victimes peuvent se voir opposer leur faute par le conducteur dont le véhicule est impliqué, pour limiter ou exclure l’indemnisation.

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