Droit des détenus et limitations de parloir :
Un détenu condamné à une longue peine a souhaité recevoir des visites simultanées des membres composant sa famille proche (femme et enfants), composée de 6 personnes.
Le Directeur du Centre Pénitentiaire de X a refusé, motif pris que les parloirs « famille » étaient limités dans son établissement à trois personnes maximum.
Compte tenu de l’éloignement et du trajet, cela revenait à priver Monsieur B. de pouvoir voir son épouse et ses enfants chaque quinzaine.
De plus, les parloirs étant limités en nombre et en fréquence (un par quinzaine), ce détenu ne pouvait pas voir ses enfants en même temps, mais seulement deux à la fois une fois par mois.
La frustration pour les deux autres enfants, contraints d’attendre dans la voiture sur le parking extérieur de la prison, était immense.
Monsieur B. n’a pas accepté cette limitation qu’il a considérée comme dépourvue de base légale, et a saisi le Tribunal Administratif de DIJON d’un recours pour excès de pouvoir contre la décision du Directeur du Centre Pénitentiaire, en faisant le choix de notre Cabinet.
Par un Jugement rendu le 21 octobre 2008, le Tribunal Administratif de DIJON a rejeté cette requête comme irrecevable, au motif que la décision critiquée serait une « mesure d’ordre intérieure », catégorie jurisprudentielle de décisions fondées sur le pouvoir de Police d’un Directeur, insusceptible de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir puisque ne faisant pas véritablement grief à l’intéressé.
Monsieur B. a interjeté appel de ce jugement en soutenant que cette décision, par ses effets prolongés sur son droit fondamental de mener une vie familiale normale, lui causait un grief tel qu’elle était attaquable par la voie de l’excès de pouvoir, et ne constituait pas une simple « mesure d’ordre intérieur ».
Par un arrêt du 14 mai 2009, la Cour Administrative d’Appel de LYON a fait droit à cette requête, et a annulé sur ce motif le Jugement du Tribunal Administratif de DIJON.
La Direction nationale de l’Administration pénitentiaire, attentive aux effets d’une telle décision, a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, en soutenant que cette mesure relevait du pouvoir de Police du Directeur, qu’elle ne ferait pas véritablement grief à l’intéressé, et serait par conséquent insusceptible d’être attaquée en annulation comme constitutive d’une « mesure d’ordre intérieure ».
Monsieur B. continuait de soutenir que cette décision qui l’empêchait durablement de pouvoir recevoir des visites de sa femme et de ses enfants réunis lui faisait grief dans des proportions telles qu’elle était bien attaquable par la voie de l’excès de pouvoir.
Le Conseil d’Etat, confirmant en cela un courant de réduction notable du périmètre des « mesures d’ordre intérieur » en détention, a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel en rejetant les arguments du ministre.
Le Conseil confirme donc définitivement le fait que les limitations de parloirs « famille » sont attaquables par la voie de l’excès de pouvoir.
La haute Juridiction confirme en cela le courant plus large d’avancée du Droit en prison, notamment du droit au maintien des liens familiaux, ce dont il faut se féliciter.
Le champ de l’arbitraire se rétrécit avec celui des mesures d’ordre intérieur insusceptibles de contrôle juridictionnel, et tant mieux.
JEAN-CHRISTOPHE BONFILS
AVOCAT Dijon